L’Assemblée nationale française a adopté jeudi 20 février 2025 la « taxe Zucman », un impôt plancher sur le patrimoine des « ultra-riches ». Cette mesure, inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, vise à instaurer une plus grande justice fiscale en France et à générer des revenus supplémentaires pour l’État dans un contexte de déficit budgétaire croissant.
Sommaire
Contenu et objectifs de la loi
La « taxe Zucman » prévoit l’instauration d’un impôt plancher sur la fortune (IPF) pour les 0,01% des contribuables les plus riches en France, soit environ 1 800 personnes. Les principales caractéristiques de cette taxe sont :
– Un taux d’imposition minimum de 2% sur le patrimoine
– Applicable aux patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros
– Vise à s’assurer que les ultra-riches paient au moins 2% de leur fortune en impôt
Les objectifs de cette loi sont multiples :
– Introduire plus de justice fiscale, les ultra-riches payant actuellement proportionnellement moins d’impôts que la moyenne des Français
– Générer entre 15 et 25 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires par an
– Financer les services publics et la transition écologique
Contexte économique et fiscal
Cette proposition de loi intervient dans un contexte économique et fiscal particulier :
– Le déficit public français devrait s’établir à 6,1% du PIB en 2024, largement au-dessus des 3% tolérés par Bruxelles
– Le patrimoine des 500 plus grandes fortunes de France s’élève à 1 228 milliards d’euros, ayant augmenté de 1 000 milliards d’euros en dix ans
– Les ultra-riches paient actuellement en proportion de leurs revenus « presque deux fois moins » d’impôts et de prélèvements que les Français en moyenne
## Processus d’adoption et soutiens politiques
La proposition de loi a été adoptée par 116 voix contre 39. Elle a bénéficié :
– Du soutien des députés de gauche
– De l’abstention du Rassemblement national
– D’une faible mobilisation du camp gouvernemental
Le texte a été porté dans l’hémicycle par les écologistes, notamment les députées Eva Sas et Clémentine Autain.
Mécanismes de la taxe
La taxe Zucman fonctionnerait comme suit :
– Les foyers fiscaux concernés ne pourraient pas payer moins de 2 millions d’euros d’impôts par an
– Le patrimoine visé comprendrait les biens professionnels
– Un dispositif prévoit que les biens des 0,01% les plus riches continuent d’être imposables pendant les cinq années suivant leur départ de France, pour limiter l’exil fiscal
Réactions et perspectives
L’économiste Gabriel Zucman a qualifié l’adoption du texte d' »immense avancée » et de « pas de géant pour la France », estimant que cela pourrait inspirer d’autres pays.
Cependant, l’avenir de la « taxe Zucman » reste incertain :
– Le texte doit encore être examiné par le Sénat, où ses chances d’adoption sont faibles
– Le gouvernement s’oppose à cette mesure, la jugeant « confiscatoire et inefficace »
– Des critiques soulignent le risque d’encourager l’exil fiscal
– Le Conseil constitutionnel pourrait juger la mesure confiscatoire
Alternatives et contexte international
Le gouvernement travaille actuellement sur une alternative moins contraignante :
– Un « impôt minimal différentiel » pour s’assurer que la somme des impôts payés soit au moins égale à 0,5% du patrimoine, en excluant les biens professionnels
Dans un contexte international, on peut noter que :
– Seuls trois pays européens (Norvège, Espagne et Suisse) lèvent actuellement un impôt sur la fortune nette
– La France a aboli son impôt sur la fortune en 2018, le remplaçant par un impôt sur la fortune immobilière
– Des économistes comme Gabriel Zucman plaident pour une coordination internationale sur la taxation des ultra-riches, similaire à l’accord sur la taxation minimale des multinationales
Cette adoption de la « taxe Zucman » par l’Assemblée nationale française marque une étape importante dans le débat sur la fiscalité des grandes fortunes, tant au niveau national qu’international. Bien que son avenir législatif reste incertain, elle relance le débat sur la justice fiscale et les moyens de financer les services publics et la transition écologique dans un contexte de déficits publics croissants.